Archives de l’auteur : Manon Rousseau

D’ombre et de lumière!

« L’ombre fut tellement aimé de la lumière qu’elle devint clarté ». Guy Corneau

Cette semaine j’offrais des exercices simples à des intervenants autour de l’esprit du livre « La science de l’intention » de la scientifique Lynne McTaggart (1). L’un des participants questionnait les véritables possibilités de cette science venue de loin et remis au goût du jour. En précisant mon raisonnement, m’est apparue que si je crois que la pensée crée et que nous ne sommes ni impuissants, ni victimes des situations dans lesquelles nous nous retrouvons, je suis cependant perplexe devant ces nouveaux oracles qui clament des changements instantanés et inespérés.  
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Haut les cœurs et haut le cœur!

Voilà quelques temps, j’ai entendu à la radio que l’expression « Haut les cœurs » provenait du mot courage.  Or, j’ai eu beau en chercher le sens étymologique, je n’ai pas trouvé cette définition que je considère bien jolie et fort pertinente. Il faut tenir son cœur bien haut, avoir du courage et beaucoup d’amour pour défier ceux que l’on aime, ai-je pensé. Continuer la lecture

La sagesse de la justesse

« Fais toi du bien sans faire de mal aux autres et fais du bien aux autres sans te faire de mal » Proverbe tibétain

Quel mot immense, justesse. La justesse du don, la justesse de l’action, la justesse de la parole, du temps qui met tout en perspective. Comme je l’ai cherché et trouvé en cours de route, oscillant telle une équilibriste sur un fil, me retrouvant parfois au centre, en équilibre, pleine de gratitude pour ces instants de plénitude. Continuer la lecture

Le temps d’un été!

Quel été foisonnant, en imprévus, rebondissements, composés tant de joies, que de cœurs brisés, de mariages, d’opportunités, de présence, d’apprentissages, de croissance et de crises, qu’elles soient familiales, locales, papales, climatiques ou mondiales. Il me reste de cet été cette phrase qui dit tant : Les temps sont doux, même quand ils sont durs.

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Sirop de sureau aux herbes

Pourquoi faire le sirop de sureau en cette si belle et chaude journée d’été? Parce que les branches du sureau sont pleines de fruits et qu’elles ploient sous leurs poids. Parce qu’il est temps de mettre en pot cet élixir qui nous préservera l’automne et l’hiver durant, des méchants virus qui sont tout autour de nous et dont on parle tant… Continuer la lecture

Un pas sage

« Il est essentiel de prendre soin de ce que l’on semble vouloir éviter à tout prix.  Par exemple, on veut souvent éviter la maladie, pourtant c’est souvent elle qui nous empêche d’être trop complaisants.  On a peur de perdre quelque chose, mais c’est souvent par ce que nous perdons que nous trouvons ce que personne ne pourra jamais nous enlever.  Nous essayons de fuir la tristesse et la dépression, mais si nous affrontons notre tristesse, nous découvrons qu’elle parle avec la voix de notre plus profonde quête; et si nous y faisons face un peu plus longtemps, elle peut nous apprendre le chemin pour atteindre cette quête.  Dit autrement, vous êtes chanceux, chanceuses, si un jour vous parvenez dans un cul-de-sac total. » Peter Kingsley, In the dark places of wisdom, 1999)
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Apologie du temps et de l’espace

Journée d’été au cœur du mois d’août et fin de vacances qui approchent à grand pas. Les cigales chantent, nous pourrions dire à pleins poumons, tellement leur chant est puissant dans la chaleur moite de cette journée caribéenne. J’aime la canicule, elle me ralentit, elle permet entre quelques pots de confiture de prunes qui refroidissent et une baignade, d’aller m’étendre au salon pour lire un peu. J’adore habiter le temps ralenti et le laisser s’écouler sans chercher à le retenir, juste me couler dedans. Avec la vie qui passe, je m’aperçois que je ne cherche plus tant à être vu ou à me démarquer, qu’à laisser défiler les heures sans attente de résultats que de trouver un peu de vents à l’ombre des tilleuls ou de regarder les oiseaux qui prennent un bain pour se rafraîchir.

Y a t’il plus grand privilège et bonheur que d’avoir le temps d’habiter l’espace? Les grands et les petits espaces, car la beauté se trouve en toute chose, tant dans la majesté du Saguenay perché au plus haut de la falaise, que dans une belle talle de monarde d’un rouge cardinal où viennent s’abreuver les oiseaux-mouches en quête de nectar sucré. Peut-être est-ce à force de côtoyer Bobin ou Tesson, qui entremêlent la poésie et l’amour simple du vivant et qui savent en capter la quintessence. À preuve, ces mots de Tesson après six mois d’ermitage sur le bord du lac Baïkal : « Des nuages barrent l’horizon, le soleil couchant les mûrit. Les quatre éléments jouent leur partition. Le lac accueille des copeaux d’argent lunaire, l’air est saturé d’embrun, la roche vibre de la chaleur accumulée. Pourquoi croire que Dieu se tient ailleurs que dans un crépuscule »? 1

Au fond, je suis une mystique de jardin. Rien ne me donne plus à croire au divin, que la beauté qui existe en ce monde lorsque j’ai le temps et le loisir de la contempler. J’ai déjà écrit dans une autre chronique que j’étais une chantre du quotidien https://www.manonrousseau.com/2020/02/chantre-du-quotidien/, le temps qui passe et me polit ne fait que le confirmer. Je ne m’ennuie pas lorsqu’il y a à proximité des fleurs qui chantent, des petits fruits à confire, des enfants qui jouent à proximité, des poètes philosophes sur ma table de chevet et un jardin dans ma cour. Tout cela me révèle l’or des jours. Bobin le résume en une phrase: « « Toutes les fleurs se ruent vers nous en nous léguant de leur vivant leur couleur et leur innocence. Les contempler mène à la vie parfaite. » 2

Voilà où j’en suis, je voyage autour d’un nuage, 8000 pieds carrés de terrain me comble, me baigner lorsqu’il fait vraiment, mais vraiment chaud m’enchante et me susurre combien je suis privilégiée. Marcher tous les jours au gré des chemins me permet de voir où en est le pommier, de saluer le fleuve ou la rivière, de vibrer avec des amis et des enfants et de regarder dans tous les arbres pour apercevoir la chouette que je n’ai jamais vue en vrai de vrai. En fait, je l’espère toujours et c’est l’une de mes quêtes estivales. Juste de l’entrevoir en photo me permet de l’attendre.

Du printemps à l’automne, le temps s’égrène au rythme des floraisons. Le muguet et le lilas amorcent la parade et donnent le ton à toutes les espérances d’enivrement que je vivrai au fil de l’été. S’ensuivent les pivoines, les fleurs du sureau blanc, le joli lupin, le basilic frais et tant d’herbes et de fleurs embaumantes qui soigneront l’hiver venu. Et puis, nous voici déjà au temps de la verge d’or, des rudbeckias et des échinacées qui nous parlent de septembre bien avant que les feuilles des arbres ne changent de couleur.

Tous ces petits riens de félicité additionnés, font en sorte que je n’ai plus guère envie d’ajouter ma voix aux mauvaises nouvelles ou de commenter tout ce qui cherche à diviser plutôt qu’à relier. Car, je me sens profondément relier et pleine de gratitude et d’amour pour tout le vivant qui m’entoure, qu’il soit près ou loin, connu ou inconnu. Que des forêts au loin brûlent en raison des changements climatiques ou que des enfants soient mal aimés, ici ou ailleurs dans le monde, je me sens tout autant concernée. Par conséquent, j’ai juste envie de préserver et de prendre soin de ce qui m’entoure. Si nous ne sommes pas connectés et nourris de cette prodigieuse beauté dans laquelle nous baignons, nous ne pouvons contribuer à l’aimer et la protéger.

Cette période prolongée de vacances me fait entrevoir dans mon rapport au temps, combien je marche vers la retraite. Dans la mesure où je consens de plus en plus difficilement à ce que
mon temps soit régulé par une horloge autre que celle qui m’est propre. J’ai rarement ressenti avec autant d’intensité cette aspiration d’étirer le temps qui passe ou plus justement de me fondre dedans et mon deuil de fin de vacances en est exacerbé. Cette nuit, j’étais à l’écoute d’une tristesse qui m’habitait et m’est venue la certitude que les passages liés à l’âge, sont empreints d’une grande sagesse. Ainsi, il y a un temps pour offrir et développer nos dons et savoirs par le travail que nous exerçons et un autre plus lent pour mûrir et contribuer autrement. Moins d’agitation, plus d’attention m’appellent et me chuchotent quelque chose que je ne sais pas encore tout à fait, mais qui néanmoins m’habite déjà…  C’est à suivre!

Manon Rousseau / Août 2021

Source :    1 Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson
                 2 Un assassin blanc pour neige, Christian Bobin

 

 

Indicible et mémorable rencontre!

« Écrire est le dessein d’une plume qui ose rendre visible, ce qui, l’instant d’avant, était en l’air puis en esprit. » Maryvonne Piétri

D’aussi loin que je me souvienne, il est là, j’ai toujours été habité par sa présence. Un de mes premiers souvenirs me vient du haut de mes 6 ans : la tête dans les mains, seule dans ma chambre, je pleure et tente de répondre à une trop grande question pour l’enfant que je suis. Je la lui pose, simplement, certaine d’une réponse à venir. J’ai de la chance, une multitude de personnes affectueuses, tendres et clémentes, sont passées dans ma vie d’enfant à des moments déterminants. Oncles, tantes, professeures, cousines, vieil oncle missionnaire, des êtres dont l’aimante présence envers les enfants témoignaient de l’infini amour.  J’ai aussi reçu en cadeau une sensibilité particulière qui me rend très réceptive à la prodigieuse beauté présente en ce monde. « Il n’y a rien qui fait son chemin plus directement à l’âme que la beauté » a dit avec justesse Joseph Addisson. J’ai toujours reçu la beauté et la bonté comme partie intégrante du vocabulaire de l’amour.

D’aussi loin que je me souvienne, j’aime la fréquentation de Dieu. Ce n’est pas faute de lui avoir résisté; mais il a sans cesse refait les premiers pas et dix fois plutôt qu’une, avant que je ne lui ouvre définitivement la porte.

Cependant, un moment en particulier est venu sceller notre alliance. Je suis alors dans la jeune trentaine, j’ai traversé l’adolescence et la vingtaine avec juste ce qu’il faut d’assurance, de détermination et de suffisance, pour croire que c’est par mes seuls talents, ma force et ma volonté que les choses adviennent. Or, jeune travailleuse sociale, je viens de perdre un emploi que j’aimais, je suis en voyage, loin des miens et de ce qui me sécurise. Après des jours et des nuits d’angoisse, je me retrouve au beau milieu de la nuit, sous la voûte étoilée, à genoux, humble et sans armure, à le prier avec ferveur. Vide de moi, je suis prête à tout accueillir. J’ai levé les yeux au ciel et dans une supplique, lui ai murmuré à peu près ceci : « Me voici, qu’attends-tu de moi, tu m’as donné des dons, des talents, des élans, tu m’as créé, redonne du sens à ma vie, je me mets à ton service ».

En l’écrivant, je suis de nouveau émue et mesure combien cet évènement fut déterminant. « Demandez et vous recevrez, frappez et l’on vous ouvrira » demeure une parole vivante en moi à jamais, car dès mon retour, tout s’est mis en place avec une facilité déconcertante. Sans effort, ni recherche, j’ai été appelé à créer et à diriger un OBNL pour les jeunes et les familles dans un quartier défavorisé et ce travail me comble et donne du sens à ma vie et à tout un quartier depuis plus de 30 ans. Des personnes de foi m’ont rejointes ou se sont retrouvées sur mon chemin, j’ai été soutenue, guidée, secondée et cette œuvre, cocréée avec Dieu, a toujours reçu tout ce qui lui était nécessaire, et plus encore, pour se déployer. Ainsi, j’ai repris la conversation que j’avais interrompue avec lui.

J’aime l’infinie délicatesse avec laquelle Dieu se manifeste à nous. J’ai gravé en mémoire quelques-uns de ces clins d’œil espiègles qui me ravissent à tout coup.

Celui-ci en témoigne : nouvellement arrivée en poste, je suis surchargée de travail et avec le peu d’expérience que j’ai, je me sens dépassée et seule devant la somme de tâches à accomplir. Or, une personne cogne à ma porte, je ne suis pas très réceptive, car les personnes qui viennent à ma rencontre sont généralement en besoin. Une dame âgée, couronnée de gris et de bonté, qui s’avère être une religieuse, s’est déplacée pour me souhaiter la bienvenue. Elle s’enquiert de mon état, écoute ma réponse avec attention, me prend la main, me demande de fermer les yeux et me souffle ces paroles à l’oreille : « Manon, tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime; ne crains pas, car où que tu sois j’y suis avec toi. Tu peux traverser le feu, il ne te brûlera pas, tu peux traverser les grandes eaux, elles ne te submergeront pas, car où tu sois j’y suis avec toi, car tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime ».

Elle dépose, au creux de ma main ouverte, une carte avec l’image du Christ sur laquelle est inscrite ce texte d’Ésaïe, puis me rappelle que je ne suis pas seule à porter cette mission, m’embrasse chaleureusement et s’en retourne. Je n’oublierai jamais cette rencontre et cette parole d’Ésaïe si pleine d’une confiante certitude d’être aimée et en sécurité, quelle que soit la situation. Cette brève rencontre fut un baume et un moment de grâce qui m’a infusé de la douceur et de l’amour dont je suis à la fois le réceptacle et la source…

Peu importe l’élément déclencheur, une seule goutte fait déborder le vase, le mental cède sa place à plus vaste, le voile se soulève et l’expérience de Dieu s’ancre dans nos cœurs. Ces moments de rencontre, de plénitude où des pans de mystère se dévoilent, sont fugaces; pourtant ils permettent de se détendre dans les bras de la présence, d’accueillir les moments de doute, de peurs et d’obscurité avec plus de confiance, d’abandon et de liberté intérieure. Comme le dit Yves Girard dans le très beau livre Naître à ta lumière (1) : « Aussi court soit-il, ce frémissement ne s’efface plus. Quelque chose a été éveillé en toi et ne consentira plus jamais à se rendormir ».

Oser une parole de foi
« L’esprit s’enrichit de ce qu’il reçoit, le cœur de ce qu’il donne ». Victor Hugo

Je considère cette opportunité qui m’est offerte par Les éditions Novalis, d’écrire un texte sur cette présence de Dieu dans ma vie, est également l’un de ses clin d’œil. Au fil du temps, devant l’abondance de présents qui me sont accordés, me vient de plus en plus le besoin d’en témoigner. Ce n’est pas qu’il m’est difficile de faire preuve de discrétion et de retenue, j’aime la pudeur qui vient avec l’amour; mais c’est comme être devant l’immensité de l’océan, touché et pacifié par la beauté et le sublime et ne trouver que si peu de lieux ou le partager. L’amour souffre s’il ne se donne pas. Il nous a fait ainsi.

À qui dire combien les prières, les rituels qui me mènent à lui m’enchantent ? Comment le silence et la beauté des églises sont des chrysalides, des lieux qui nous permettent d’habiter cet état intermédiaire, où de chenilles nous devenons papillons ?  Comment dire la force d’amour de Jésus au cœur de nos détresses et de nos doutes, la puissance de textes et d’actions d’hommes et de femmes engagés, qui conduisent à plus de joie et de quiétude ?

De François d’Assises, le doux et humble à Anthony De Mello (2), un mystique né en Inde, psychologue et jésuite, qui nous rappelle que tout passe. À une spiritualité centrée sur le don et l’amour, aux psaumes si poétiques que de les chanter emmène une transe tranquille, à des vies de mystiques dont le souffle nous inspire encore aujourd’hui.

Au fond, il ne me manque rien, si ce n’est d’oser nommer cette intimité et ce penchant que j’ai pour cet incommensurable fou d’amour qu’est le Christ. D’autant que nous partageons une parenté lui et moi, il n’a qu’une seule exigence qui m’est intrinsèque, c’est d’aimer jusqu’au bout, en excès, résorbant les conflits, apportant la paix. C’est un révolutionnaire sans arme qui nous invite à l’essentiel, ouvrir nos cœurs, nos demeures, sortir de nos enfermements, être attentif aux autres, cultiver la confiance, l’émerveillement, la patience, la douceur, le pardon, la joie, pour briser le joug de la haine, du mépris, de la peur, du rejet de l’autre, des préjugés, finalement de tout ce qui endigue et freine nos élans d’amour. J’écris tout cela avec modestie, parce que plus je tente de pratiquer ses enseignements, plus m’apparaissent les murs que j’ai dressés, mes propres enfermements et les difficultés de passer de la peur à l’ouverture à l’amour. Qui plus est, je ne me trouve pas particulièrement douéepour aimer, ce qui au fond n’a aucune importance, puisque l’intention portée est à l’œuvre et fait déjà le travail. Comme l’a dit si justement Christian Bobin (3), « Partout où l’on va, il y est allé aussi. Il a tout expérimenté, éprouvé, dans sa chair, dans sa joie, dans son angoisse, dans toutes les dimensions de la vie. Avec lui, la mort n’a pas le dernier mot ».

En vieillissant, ma sensibilité et mon inclinaison vers lui se sont accrues. Ainsi, la moindre fleur des champs, la douceur du vent, la bonté, la douleur, la souffrance, le malaise, l’attention d’une présence aimante, la richesse d’une amitié authentique, tout vient à mon secours et concourt à me rappeler que tout est amour en ce monde. Par conséquent, tout me ramène à lui, source de vie, source d’amour.

Manon Rousseau / février 2021

Sources