Une inclinaison pour la paix

« Parfois l’étoile qui veille sur nous, nous mène au printemps par la route de l’automne. » Fodil Benséfia

Doux novembre, tes ombres s’étirent au petit matin, on pourrait croire que l’aurore ne viendra pas et subrepticement la lumière se faufile jusqu’à nous et vient déjouer les ombres de la nuit. Il en est de même en ma vie, à l’ouest de la mienne, l’ombre fait plus rapidement place à la lumière. C’est la somme des expériences et des savoirs conjugués qui portent fruit.

Et puis cette phrase « La paix soit avec toi », qui s’installe au fil des jours, chaque fois qu’elle me quitte, je n’ai qu’un seul désir: la reconquérir. Quiconque goûte à la paix profonde, ressent son appel par la suite. Un jour, jeune et trop souvent en conflit pour des banalités avec mon amoureux, une amie m’avait dit ceci: « je choisis de plus en plus la paix, de ne pas entrer en conflit pour ne pas la perdre ». J’avais aussi entendu ceci: « Préfères-tu avoir raison ou être en relation »? Une question coup de poing ou coup de grâce plutôt, qui depuis me revient et m’interroge sur le lieu et l’état que je veux habiter; l’égo orgueilleux qui se veut victorieux ou le cœur, ce lieu de pacification d’où émane l’esprit de réconciliation.  Et puis, ai-je appris à la dure, tous les combats ne sont pas à mener, la plupart se sont avérés vains et stériles et si peu demandaient que je monte sur mes grands chevaux. D’ailleurs, la majorité se mène maintenant dans l’invisible, en présence, dans le silence. Je précise l’intention, je la laisse parcourir son chemin pour voir où elle ira. Toujours, je suis stupéfaite du résultat. En faire moins, croire plus, un autre fruit de l’expérimentation. Je suis toujours émerveillée par tout ce que l’on cueille en chemin, tout ce que l’on récolte au gré du voyage et qui au final, revient quand besoin est. Ce qui est trouvé est trouvé et ne se perd plus, nous pouvons relaxer…

Ainsi, un matin, je me réveille fragile et anxieuse, j’ai eu un effroyable sciatique toute la journée d’hier. Intense, de la fesse au talon, le nerf est coincé et tous mes savoirs d’herboriste / guérisseuse cumulés ne donnent pas le résultat escompté. Je me couche les nerfs à vif et ce n’est pas une simple expression, mais une réalité. Je suis attristée par ce corps fatigué qui me donne du fil à retordre, j’ai un sentiment de désespérance qui tire de la patte et il est toujours présent au réveil. Je sais que les choix ne sont pas si nombreux, je m’apitoie ou je me recentre, je prie et remets l’espérance et la gratitude au centre de ce matin gris. La douleur physique est le plus grand maître spirituel que j’ai rencontré. Elle me ramène sans cesse à ces quelques enseignements qui sont à la base de toute spiritualité. Ne pas juger ce qui est, ne pas se juger, accueillir profondément la situation, retrouver l’espace en soi qui n’est pas atteint et offrir cette douleur dans la grande marmite alchimique d’amour pour que cela soit transformé. Faire ce qui doit et laisser aller, garder la foi, la confiance, l’espérance.

Pendant que j’écris cela, le téléphone sonne, j’ai quelqu’un que j’aime profondément, en larmes au bout du fil, elle me raconte une situation abracadabrante, qui de prime abord semble accablante. J’écoute et laisse pleurer, les larmes sont salvatrices sans les mots, puis me vient cette phrase de Christiane Singer à laquelle je crois profondément puisqu’elle s’est toujours avérée d’une justesse imparable : « Rien ne nous est donné pour nous écraser ». J’ai acquis avec le temps cette certitude que tout a un sens, souvent plus grand et plus vaste que ce que nous envisageons. Dans cette situation complexe qui touche les personnes que j’aime le plus, je tente de garder le cap, même si le vent de la peur et du doute s’élève pour me faire vaciller. Cependant, encore et encore, viscéralement, je sais que nous sommes profondément aimés et que des apprentissages viendront pour tous les protagonistes impliqués au cœur de cet imbroglio.

La vie a plus d’un tour dans son sac de magicienne et en bonne sourcière que je suis, elle m’en a jeté plus d’un. Nous sommes sans cesse à passer des brevets, nos savoirs ne sont que la somme de nos expérimentations, études, pratiques et observations obtenues de hautes luttes au fil des épreuves et dangers rencontrés, des essais et erreurs, des maladies et souffrance, de l’adversité, des rencontres et relations cumulées. Et plus nous sommes entourés de personnes que nous chérissons, plus les tests sont nombreux pour éprouver notre amour. Comme tous un chacun, j’ai peine parfois à aimer certains comportements moins honorables de ceux qui m’entourent. Des jugements tentent de se frayer un chemin jusqu’à mon cœur, lorsque l’amour dont j’essaie de faire une habitude et un choix, m’inspire de persister malgré tout. Je distingue mieux et plus rapidement la personne de ses comportements, même si certaines actions semblent méprisables, la personne elle, ne l’est pas. Je sais aussi que tout ce qui est dehors est dedans, ainsi, il est mort le juge de mes frères (1) puisque nous ne sommes qu’un et que mépriser l’autre c’est nourrir cette haine de moi et certains aspects moins glorieux qui m’habitent aussi. Enfin, lorsque je n’y arrive pas, que je suis prise au piège de mes enfermements, je descends là où se loge  l’éternel et demande avec ferveur de retrouver la paix et un regard nouveau.

Je le dis souvent : j’ai une grande tribu. Je vis dans l’abondance de relations, j’ai de nombreux frères et sœurs, une relation de couple, des parents vivants et vieillissants, des enfants qui sont proches, de nombreux petits enfants, des neveux et des nièces, des amis, des chums et des blondes qui s’ajoutent chaque année. Bref, ça ne manque pas de vie et d’occasions d’aimer autour de moi et j’ai sans cesse à rechoisir d’être en relation avec tout ce beau monde, de ne pas fuir et d’aimer les personnes là où elles sont. Évidemment, je n’y arrive pas toujours, loin s’en faut, mais ce n’est pas faute d’essayer. Choisir d’aimer en présence et en conscience est un travail et une responsabilité. Dans ce clan magnifique et grouillant, nous faisons face à tout : Joies, naissances, peines, crises, réconciliations, problèmes d’argent, de drogues, d’alcool, abus, jugements, projections, drames et tutti quanti. Le grand jeu de la condition humaine, toujours en train de se jouer sur la grande scène de la vie. Je comprends mieux ce qui fait la sagesse, l’humilité ou l’amertume des aînés, le sentiment d’impuissance peut faire naître l’une et l’autre. Il n’y a pas meilleure façon d’apprendre la position de témoin bienveillant que d’assister à la représentation des drames de ceux que nous aimons, sans partir à courir pour aller sauver tous un chacun de la tragédie qui se joue. Je n’ai pas la prétention d’y être arrivée, mais définitivement j’y suis invitée.

Encore et toujours, l’ombre et la lumière dedans et dehors, tissés au cœur de la même et unique trame. Accompagner le processus à l’œuvre, le mien et celui de ceux qui m’entourent, démêler les fils, défaire les nœuds, apporter de l’amour là où il y a la peur, du repos là où il y a de la fatigue. Inexorablement, quotidiennement, tenir ma lanterne allumée, comme nous le rappelle cette si belle allégorie (2).

J’écris tout ceci en toute humilité, car je ne prétends à rien, je suis une chercheuse, une quêteuse de sens, qui se prend si souvent les pieds dans le tapis. Je viens à peine de consentir à un arrêt de travail, alors que mon corps l’appelait de toutes ses forces depuis des années par de nombreux petits et gros bobos. Je suis si volontaire et j’aime tant de choses, y compris mon travail. Cependant, j’ai dit oui, suivi les signes et je sais que ce choix est le bon puisque ce temps d’arrêt m’a apaisé. La course au temps se calme et moi avec elle.  J’ai une telle fatigue, qui mieux qu’un médecin, me prescrit le repos et le discernement dans tous les gestes à poser. Sénèque disait que celui qui cherche la paix est un sage, mais que celui qui croit l’avoir trouvé est un fou. J’y souscris puisque dès que je crois m’en approcher, une pensée, un comportement, une situation viennent me démentir et me remettre en route.

Peu importe, les obstacles ou les difficultés, j’ai cette incroyable espérance rivée au cœur, je suis soutenue, accompagnée. Voilà où réside ma paix. Il y a en moi, un endroit vierge de malaise, de souffrance et de préjudices qui m’indique la direction à prendre. Il y a de l’espièglerie dans le fait que le très haut se trouve au creux soi. Ainsi, pas de souci, j’agis sans tout comprendre, ni discuter et raisonner, en étant certaine qu’il est là, avec moi. C’est moi qui ne suis pas toujours là. La spiritualité met en lumière le sens de la vie.

Manon Rousseau / 10 novembre 2021

Sources:
1 Christiane Singer
2 https://www.manonrousseau.com/2015/03/lallegorie-du-marcheur/

 

 

1 réflexion sur « Une inclinaison pour la paix »

  1. Martine Bouchard

    Que j’aime te lire ma merveilleuse cousine d’amour! Comme toujours je vibre par tes mots. Ils résonnent en moi très forts. Gratitude immense pour ton authenticité, ton humilité et ta vulnérabilité. Mais aussi pour ton courage d’oser être et de partager ta belle plume avec nous par le coeur! Namaste!

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