Femme en pause

Hiver 2008, je suis en arrêt de travail depuis le début de l’année, quel bonheur! En période de jachère sous la bienveillance d’Héra. Comme la nature me le rappelle, il y a des temps de moisson et des temps de jachère, ainsi va le cercle de la vie. J’ai pris enfin la pause qui se trouve au cœur du mot ménopause. La déesse Héra, gardienne de l’âtre, m’invitait depuis un moment à cesser le mouvement, à entrer au dedans, à aller nourrir mon feu intérieur et c’est lorsque mon corps (ce sage) est tombé malade, que j’ai enfin accepté l’invitation. J’étais si fatiguée, toutes mes cellules criaient au repos. En janvier, bien installée dans ma doudou, près du poêle qui chauffait, je voyais tout le mouvement autour de moi et je me disais que les anciens nous trouveraient bien agités de nous voir aller à si fort rythme en cette période de jours cours et de bancs de neige haut. Eux, pour qui, c’était temps de repos sous une épaisse couverture de neige. 

Je profite donc et déguste ce temps de retrait qui m’est offert (quel cadeau que d’avoir du temps), pour tenter de trouver comment faire différemment lorsque je refleurirai le moment venu. En attendant, je me donne et me souhaite des temps de rêves; de paroles et de silences apportant de bons conseils pour trouver comment faire différemment, en cette Occident effrénée. Encore une fois, je bénis la sagesse, qui m’a arrêtée, freinée et rappelée que certains passages ne peuvent se faire que dans le silence et le retrait du monde. Il est difficile, et pourtant si doux, pour le bélier que je suis, l’ouvreuse de chemin, la battante, la femme d’action, la femme forte, la grande, de s’immobiliser, de faire silence pour entendre ce qui murmure de l’intérieur. «S’éveiller, c’est se rendre de compte de ce qui est déjà là ».

M’apparaît de plus en plus que la ménopause, l’arrivée de la cinquantaine, est le temps de rentrer dans nos terres intérieures, d’explorer de nouveaux possibles. C’est un moment pour reconnaître et renaître à ce qu’il y a de plus profond ou d’inexploré en nous. Ce qui demande du temps, de la quiétude, des ajustements et réaménagements dans le rythme. Je ne peux plus faire les choses comme avant. Des goûts, des désirs, des dons, talents naître ou renaître. Un peu comme le passage de l’adolescence mais avec la solidité de la maturité et davantage d’amour pour soi.

PassageJe suis en plein dans ce passage et je ne veux pas bouger, enfin pas trop. Le passage est parfois étroit, parfois vaste et profond, parfois plein de joie, parfois plein de peine, parfois si doux, parfois si puissant, parfois plein de deuils et pourtant remplis de promesses. Je ne sais pas combien de temps dure ce passage mais j’y demeure confiante. Après tout, ce n’est ni la première fois que je nais et que je meurs et je sais la splendeur et la beauté de ce qui émerge après avoir germé dans la noirceur et le silence, mon jardin me l’a si souvent enseigné.

MR/2008

 

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