Chemin de célébration!

«Il le faut avouer, l’amour est un grand maître. Ce qu’on ne sut jamais, il nous enseigne à l’être». Molière.

Depuis quelques semaines déjà, mon amoureux et moi parlons et anticipons, qu’à la mi-mars, nous célèbrerons nos 40 ans d’histoires communes, de notre rencontre à aujourd’hui. C’est touchant 40 ans, c’est aussi vertigineux, tant de le vivre que de l’assumer et de mettre des années sur les expériences d’amour et de désamour vécues ensemble.

Toutes ces années racontent et englobent nos histoires respectives et communes, elles expriment mieux que des mots, combien nous étions des quêteux d’amour, qui en ont fait leurs quêtes… Car, à n’en point douter, l’amour est une quête, un voyage, une expérience, une destination, une théorie sans cesse à pratiquer, un trésor à trouver. Paradoxalement, elle nous féconde et nous constitue, mais cela, nous passons notre temps à l’oublier, pour mieux nous en rappeler et l’oublier de nouveau, en une roue sans fin. Comme si nous étions tous des amnésiques de l’amour en voie de guérison.

Comme elle met à nu l’amour, nous offrant en gros plan dans le miroir de nos relations, nos laideurs, nos peurs, nos manques, nos égos, nos illusions, nos croyances limitées, nos blessures, nos fuites désespérées, nos projections sur l’autre, nos violences et tant de cétéra, téra. Lorsque l’on regarde dans le rétroviseur, c’est passionnant de voir comment nous lui résistons tout en la quémandant, comment nous nous racontons de belles et moins belles histoires pour éviter de souffrir et ne pas retoucher à nos vieux sentiments d’échec et d’abandon. Alors que contre toute attente, nos résistances nous plongent au cœur même de ce que nous souhaitions éviter, nos blessures à guérir. Ainsi, je nous suis profondément reconnaissant, d’avoir eu le courage et l’audace de faire, chacun pour soi et ensemble, le chemin qui mène à la sécurité, au bonheur de se déposer dans la solitude en toute quiétude, d’avoir développé nos estimes, comblé nos vides, exploré nos mélodrames et d’être demeuré honnêtes et authentiques envers ce que nous sommes et envers l’autre.

C’est fou ce qu’elle demande de désencombrement l’amour pour que nous touchions à l’enchantement. Comme il est long et ardu le chemin qui permet de s’ouvrir, de s’offrir nu, vulnérable, dans la fragilité, dans cet espace sacré où nous disons oui, simplement oui, à ce que nous sommes complètement. Comme il est bon et émouvant, de toucher ne serait-ce que du bout du doigt, l’immense beauté cachée au cœur de nos fêlures. Comme nous sommes grands ensembles lorsque nous accueillons ce qui est petit. Comme il est beau l’autre dans son unicité lorsqu’il est totalement dans sa vérité. Dans cet instant, dans le moment présent, dans celui cueilli sans vouloir rien y changer, dans l’ouverture et la disponibilité, l’amour est là qui bat, sacré, simple, joyeux, profond. 

Je le sais d’expérience, nous y avons touché ensemble, quelquefois, et depuis nous sommes prêts à tous les efforts, qui ne sont au fond que des lâcher-prises, pour s’en délecter de nouveau. Il est là le trésor, le cadeau de l’amour, il appelle l’expansion, le meilleur de nous, la mort du petit moi qui veut avoir raison plutôt que d’éprouver la joie simple et profonde d’être en relation. Quelle joie quand la peur de l’abandon se transforme en bonheur de s’abandonner, confiant, libre et en sécurité. Car l’amour rend libre, petit à petit, tout doucement, elle fait son nid, se révèle, nous révélant en chemin à ce que nous sommes réellement, c’est à dire elle. 

« Je crois que nous sommes venus révéler l’Amour qui circule incognito dans la grande étoffe de l’Univers » a écrit si justement Maryvonne Piétri sur son fil Facebook. Force est de constater, qu’après 40 ans de pratique commune, nous acceptons avec plus de sérénité de parcourir le chemin semé d’embûches et de beauté qui mène au trésor caché. Nous sommes à la fois maîtres et apprentis, passant encore de l’un à l’autre, mais accueillant avec plus de tendresse et d’espérance nos manques de justesse, nos désaccords, nos meurtrissures. 

Et puis ces espaces de silences habités entre nous, ces fous rires libérateurs, cette reliance, ces moments où le ciel et la terre se rencontrent en nous, sans rien dire, furtivement. J’ai lu ceci de Christian Bobin: « La solitude est le lien le plus profond aux autres, elle est cette cour d’école en chacun, où nous pouvons nous retrouver et jouer ensemble ». Ces mots résonnent, nous avons tant d’espace pour jouer ensemble, en silence.

Et puis tout ce qui a été fécondé, a surgi de cette relation : des enfants, petits et grands, fantasques et magnifiques, des jardins, des fleurs, des armoires aux herbes, des onguents miracle, des oasis de paix et de beauté, de la poésie, des chroniques, des chansons, notre danse, nos résurrections. 

Ce calme, cet accord, cette complicité, cette amitié, cette concordance que nous goûtons parfois et qui nous laisse avec un tel sentiment de paix. Tout cela tisser de longue date dans le visible et l’invisible, chacun ayant démêlé les fils de son histoire, comme le tisserand qui carde la laine patiemment, rêvant de couverture pour se couvrir les soirs de grands vents. Quels merveilleux tisserands nous sommes et avons été. Ce qui ne nous empêche en rien de s’emmêler dans quelques cordelettes de nos égos encore bien huilés, mais beaucoup moins entêtés. 

J’ai entendu ceci dernièrement, « Au lieu d’avoir la mèche courte et la mémoire longue, j’ai appris à avoir la mèche longue et la mémoire courte ». J’aime bien qu’à l’inverse de cette maxime issue de la sagesse populaire, nous donnions du temps à l’amour, de la patience, de l’attention, de la délicatesse, de l’amour à l’amour. Elle le mérite, elle nous le rend au centuple.

Manon Rousseau 03 mars 2019

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