Ma petite fille Romy qui a 6 ans, entre dans la maison pour me demander du papier collant pour Maïka, sa cousine de 8 ans. Maïka arrive quelques instants plus tard avec un cataplasme de guimauve et lavande qu’elle s’est fabriquée pour soigner une blessure qu’elle vient de se faire en jouant. Noémie, ma fille, est complètement hilare devant ce pansement improvisé qui dit mieux que toute chose la force de la transmission.
Et moi, je suis comblée de ce temps que nous passons ensemble au jardin, sur la rue, dans les champs ou les forêts, à contempler ou à cueillir, lorsque mes petits-enfants nous visitent. Nous commençons toujours la journée au jardin pour préparer l’infusion du jour ou leur eau de mélisse, d’hysope à l’anis et mangue, ou pour toucher la guimauve, leur plante préférée du moment, en raison de sa douceur, ou encore pour sentir chaque fleur et ainsi choisir leur favorite et évidemment pour se bourrer la fraise de framboise et cueillir les premières tomates ou cerises de terre dont ils et elles raffolent.
Mathéo, qui a 4 ans, adore mes tisanes, je ne peux en boire une tasse sans qu’il me demande s’il peut en prendre, et à coup sûr c’est lui qui l’a termine. Romy aime l’estragon qui goûte la réglisse et Maïka qui s’est piquée à l’ortie petite, avertit tous ses cousins et cousines de sa puissante piqûre, tout en ajoutant que « ce n’est pas grave de se piquer puisque grand-maman va mettre de sa crème qui guérit (calendula, consoude, lavande et achillée) ». Je me rappelle avoir été extrêmement surprise par Océanne, qui à 4 ans, avait reconnu la grande molène à son stade le plus précoce, parce que nous nous étions penchées sur elle avec attention, l’été précédent. Les plus grandes et maintenant les plus petits, reconnaissent à peu près toutes les médicinales du jardin ainsi que les fleurs qui se mangent et me demandent sans cesse si telles ou telles autres se mangent aussi, elles font des bouquets, parlent aux plantes, les goûtent.
L’autre jour, il faisait très, très chaud, nous étions dehors, elles s’ennuyaient un peu et elles ont initié un jeu. À tour de rôle, elles cueillaient une feuille de plantes médicinales ou un légume du jardin et nous devions les yeux bien fermés, deviner à l’odeur ou au goûter, la plante ou le légume en question. Nous avons joué à ce jeu durant plus d’une heure, nous extasiant devant l’odeur céleste de la lavande ou celle plus fruitée de la sauge ananas, crachant la feuille amère de la laitue trop vieille, nous délectant de la petite tomate chaude et juteuse. Quelques jours plus tard, leur jeune sœur et frère sont venus et elles ont recommencées le jeu avec eux, avec autant de rigueur dans les règles : «gardez les yeux bien fermés », que de joie dans le plaisir de goûter et de sentir. Ainsi, j’ai vu Émy, 3 ans, dire et répéter avec fierté, « ça c’est du perchi » (on parle bien de persil ici).
Encore maintenant, juste de l’évoquer à nouveau, la même émotion m’étreint, je suis fière de cette transmission. J’ai l’impression d’avoir fait ma part, c’est un de mes legs les plus important. Quel immense bonheur, mes petits enfants ont de la graine d’herboristes. Vous savez, cette parcelle de nous qui se nourrit et s’émeut de la beauté partout en ce monde et qui le réenchante!
Manon Rousseau / août 2016