Développement durable!

« La plus grande récompense de nos efforts n’est pas ce qu’ils nous rapportent, mais ce qu’ils nous permettent de devenir.» John Ruskin

Cette chronique mijote sur le feu depuis quelques semaines, depuis ma nièce que j’aime infiniment m’ait interpelé parce que son bateau de couple tangue et prend l’eau en raison d’une crise au sein de l’équipe de vigie. Cette jeune femme, mère de deux très jeunes moussaillons, essaie à l’instar de tous les parents, de conjuguer couple et maternité, apprenant à danser sur leurs vides et leurs trop pleins respectifs, sans perdre pied. 

Son histoire fait écho à la mienne, à la vôtre, à toutes celles entendues en grande confidence, sous le sceau du secret, comme si les histoires de couple et d’engagement devaient demeurer cacher lorsque le gros méchant loup pointe son nez dans l’histoire et qu’elles nous approchent un peu trop près de nos ombres. Je suis et serai toujours fascinée par l’universalité de nos histoires de mères, de pères et de couples, tant dans ce qu’elles nous apportent de grâce et de souffrance, que du fait que nous nous mystifions collectivement en ne racontant que la belle part, la romance, le mythe à l’eau de rose. Le prix à payer pour tout ce qui demeure dissimuler est que nous nous sentions si seuls et différents lorsqu’arrive le désenchantement.

C’est ce qui me donne envie d’écrire, de réfléchir à haute voix sur l’engagement, le couple et la famille. Nous sommes dans un temps où l’engagement à long terme, le mariage, dans le sens d’un contrat pris entre deux personnes au-delà du meilleur, semble dépasser et où amour de soi, respect et quête de soi semblent impossibles à conjuguer avec engagement. Loin de moi de vouloir en faire l’apologie ou de généraliser sur une formule gagnante, mais je sais d’expérience que nos engagements amoureux nous apprennent l’art de la haute voltige et qu’entre espoir et désespoir, nous nous instruisons sur nos capacités et elogeincapacités d’amour.« Qu’entre le désir profond de se lier, de s’engager corps et âme, et le désir tout aussi profond de préserver sa liberté, d’échapper à tout lien, quel tohu-bohu ! Or, pour vivre ces exigences contradictoires et d’égale dignité sans être écartelé, il n’y a aucun secours à attendre ni de la philosophie, ni de la morale, ni d’aucun savoir constitué. Il est probable que les seuls modèles adaptés pour nous permettre d’avancer sont la haute voltige et l’art du funambule. Un mariage ne se contracte pas. Il se danse. À nos risques et périls. » Christiane Singer

Je vis avec le même homme depuis plus de trente ans et nous sommes loin d’être un modèle d’amour romantique. J’ai vu mon compagnon sous tous les angles, j’ai parfois pensé à lui en terme d’ami, de frère, de sauveur ou d’ennemi juré. Je l’ai déifié, démonisé, j’ai projeté sur lui toutes mes ombres et toutes mes beautés. J’ai cru bien souvent que notre amour était mort et enterré, qu’il ne refleurirait jamais et j’ai été plus d’une fois surprise qu’il renaisse de ses cendres et donne des fruits d’un goût insoupçonné. Aucun autre de mes engagements ne m’a amené si près du précipice, me laissant nue, blessée et vulnérable. En contrepartie, il m’a aussi conduit au cœur de ma beauté, de ma dignité, dans mon humanité et mon essence profonde et lorsque j’ai cru tout perdre, j’ai trouvé des espaces d’amour inattendus qui touchaient au sacré.

À l’instar de Christiane Singer, j’expérimente que « La vraie aventure de vie, le défi clair et haut n’est pas de fuir l’engagement mais de l’oser. Libre n’est pas celui qui refuse de s’engager. Libre est sans doute celui qui ayant regardé en face la nature de l’amour, ses abîmes, ses passages à vide et ses jubilations, se met en marche, décidé à en vivre coûte que coûte l’odyssée, à n’en refuser ni les naufrages ni le sacre. Prêt à perdre plus qu’il ne croyait posséder et prêt à gagner pour finir ce qui n’est coté à aucune bourse, la promesse tenue, l’engagement honoré dans la traverse sans feintes d’une vie d’homme et de femme. »

Je le disais précédemment, nous sommes dans une époque qui glorifie la quête de soi et l’oppose souvent au mariage et à l’engagement sur du long terme et je ne souhaite pas tomber dans l’autre extrême, qui fût longtemps la norme au Québec, soit de tenir à tout prix à l’engagement pris jusqu’à se perdre et mourir à soi. Mais, entre les deux, il y a une voie de passage, je le sais, je l’expérimente de longue date et suis en passe de devenir une navigatrice aguerrie. Cela m’a demandé et me demande encore beaucoup de vérité et de vigilance, coupleainsi qu’un désir et une volonté sans cesse renouvelée de prendre la responsabilité de ma vie, de mes mots et de mes actes et de redonner à l’autre la sienne, tout en préservant et en prenant soin de ce qui se trouve entre nous; notre lien, notre engagement et ce qui en découle, notre famille…

Ainsi, au fil du temps, j’ai appris, parfois à la dure, à donner préséance à la bienveillance, la compassion, « à tous ces petits gestes d’amour qui font tourner le monde sans faire de bruit » (encore Christiane Simger) et qui nourrissent à la fois nos engagements et nos âmes. Aujourd’hui, j’ai envie d’en témoigner, d’être porteuse de cela, de dire que l’on peut sortir meilleure du pire. Je connais la douceur et la force du lien qui a été poli par les mille et un ressacs de nos vies. Je sais comment il est bon d’avoir un port où s’amarrer lorsque la tempête fait rage et semble tout dévaster. Je suis emplie de gratitude d’être aimé et capable d’aimer véritablement pour ce que nous sommes dans notre entièreté, sans attente, dans la gratuité et la reconnaissance de ce cadeau précieux, qui nous rapproche de Dieu. D’autant plus précieux ce cadeau, que conquis de haute lutte, mille fois rechoisi, gagner et nourrit tant de nos victoires que de nos défaites.

Aujourd’hui encore, malgré la force de ce lien, je ne présume de rien, je ne sais pas ce que me réserve demain, mais ce lien, cet engagement tenu dans le temps m’a enseigné à tenir bon devant les écueils du destin.

MR/2015

 

2 réflexions sur « Développement durable! »

    1. Manon Rousseau Auteur de l’article

      Merci Benjamin de me permettre par ce blog de vous rencontrer avec mes mots qui contiennent l,essence de ce que je suis!!!!

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