La fête des mort!

La mort n’a jamais tant été absente de nos vies, elle n’est ni sur les médias sociaux, ni dans les discussions et réflexions de cuisine et encore moins exposée dans nos salons comme au temps, pas si lointain, de nos grands-parents. D’ailleurs, essayez de parler du temps où l’on exposait les morts dans le salon de la maison, pour voir l’effet sur un groupe. En sortant la mort des maisons, nous l’avons mis en dehors de nos vies. La mort ça pue, ça fait peur, ça prend du temps, alors vite, brûlons nos morts, jetons leurs cendres et évacuons de nos vies l’un des plus grands mystères encore irrésolus. Nous pouvons parler de sexe, d’argent, de science, de politique, mais la mort est devenue l’un des grands tabous de nos sociétés de consommation. Pourtant, s’il y a une chose que nous avons tous en commun, une chose que nous partageons tous et toutes, riches ou pauvres, terroristes, taoïstes, pacifistes, blancs, jaunes rouges ou noirs, hommes, femmes et enfants, c’est la mort qui est là, inéluctable, impossible à éviter. Elle rend égaux tous les humains…

Paradoxalement, nous qui célébrons en grande pompe l’Halloween, cette fête des morts par excellence, l’avons vidé de toute substance pour ne garder que le côté mercantile où sont mis à l’honneur, bonbons, friandises et tralala. Remarquez, nous avons fait la même chose avec les fêtes de Noël et Pâques, des rituels axés sur les cadeaux, chocolats, etcétéra. Ainsi, nos rituels sont de plus en plus orientés sur la commercialisation et dénuer de sens. Par exemple, « l’Halloween tire son origine d’une fête celtique, la Samain (Samhuinn), qui marquait le premier jour de l’année. Elle annonçait aussi la fin des récoltes, le début du cycle hivernal et celui de la lutte entre les ténèbres et la lumière. Cette fête païenne, est proche de deux célébrations chrétiennes: la Toussaint (le 1er novembre) et le jour des Morts (le 2 novembre) » (1). Elle est au début du mois de novembre, le mois dédié aux morts, ce moment de l’année où l’on célébrait les personnes mortes en cours d’année, en pensant et en priant pour eux.

Pour vivre constamment entourer d’enfants, j’ai à répondre à mille interrogations sur la mort, parce que les enfants sont curieux et qu’une réponse suscite invariablement mille autres questions. Pas question de s’en sauver avec des faux fuyants, si j’accepte d’explorer avec eux le mystère de vivre, je ne peux éluder le mystère de mourir. Lorsqu’ils perdent un proche ou ont peurs de perdre ceux qu’ils aiment, je ne peux les laisser seules avec cette grande énigme insondable à laquelle moi-même je suis confrontée. Alors, je raconte des histoires, des allégories, celle de Jésus, de la libellule, d’Harry Potter, qui est celle qui a suscité la discussion la plus longue sur la vie, la mort, la bonté et la méchanceté. Bref, des histoires porteuses d’espoir, qui gardent vivants dans leurs cœurs d’enfants ceux qui sont morts, trop tôt, ou dans leur vieil âge ou encore ceux qui se sont suicidés. Ça arrive, ma petite fille a perdu sa gardienne ainsi.

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Ainsi j’aime infiniment cette allégorie de Walter Dudley Cavert qui raconte qu’au fond d’un marécage vivaient quelques larves qui ne pouvaient comprendre pourquoi aucune du groupe ne revenait après avoir rampé le long des tiges de roseaux ou de lys jusqu’à la surface de l’eau. Elles se promirent l’une à l’autre que la prochaine qui serait appelée à monter reviendrait dire aux autres ce qui lui était arrivé.

Bientôt, l’une se sentit poussée de façon irrésistible à gagner la surface ; elle se reposa au sommet d’une feuille de lys et subit une magnifique transformation qui fit d’elle une jolie libellule avec des ailes irisées de bleu et de vert. Elle essaya en vain de tenir sa promesse. Volant d’un bout à l’autre du marais, s’enivrant de liberté et de beauté, elle voyait bien ses amies tout en bas, mais sans pouvoir les rejoindre pour leur raconter. Elle voulut leur faire des signes, elle fit des ronds sur l’eau, comme si des gouttelettes tombaient à la surface. Voyant qu’elle n’était pas comprise, elle tenta une autre technique et se mit à cueillir des feuilles et les sema à la surface. Comment donc communiquer si aucun de ces signes n’est compris ? se demande notre évadée.  Alors, elle comprit que même si les petites larves avaient pu la voir ou l’entendre, elles ne l’auraient pas reconnu comme l’une des leurs.

Décidément, il n’est pas facile de parler aux autres d’un lieu où ils n’ont pas encore été. Il faut donc attendre que ceux que nous aimons, vivent leur propre transformation pour comprendre.

Voilà mon humble invitation en cette journée où l’on honore les fantômes, zombies et trépassés de tout acabit; remettre la mort au cœur de nos vies, parce que comme le disait Félix Leclerc,« c’est grand la mort, c’est plein de vie dedans ».

Manon Rousseau / 31 octobre 2017

(1) Magazine Coup de pouce, octobre 2017

 

 

2 réflexions sur « La fête des mort! »

  1. Gilles Archambault

    Difficile pour moi de passer à côté, celle-ci étant si proche, elle m’habite tous les jours, me fait inéluctablement vouloir y trouver un sens. Profondeur de qui je suis, réaliser ma vraie nature, celle qui ne meure jamais et tout est un.
    Merci d’écrire, c’est un plaisir de te lire, toujours.

    Répondre

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